Objets Métier
Jean-Marie Chauvet
Logiciels et Systèmes, Septembre 1998

Les querelles techniques autour des systèmes d'objets distribués se sont singulièrement estompées ces six derniers mois. En janvier dernier par exemple, Iona - le leader des ORB (Object Request Broker) à la norme Corba (Common Object Request Broker Architecture) de l'OMG (Object Management Group) - annonçait qu'elle avait acquis les licences de COM (Component Object Model) de Microsoft, le système d'objets en concurrence directe avec celui de l'OMG. Cette annonce, bientôt suivie de produits, réconciliait enfin deux systèmes d'objets distribués dont les incompatibilités et les velléités politiques prêtées à leurs promoteurs respectifs avaient en leur temps fait couler beaucoup d'encre et écrire beaucoup de code ! D'autres comme Visual Edge, Visigenic récemment acquise par Borland devenu Inprise depuis lors, Neuron Data, ou Expersoft offrent également des produits techniques d'interopérabilité entre ces deux mondes.

La montée en puissance de Java comme plate forme de développement et son adoption par l'OMG, qui définit dans la nouvelle version de la norme le mapping des objets Corba dans le monde Java ; l'émergence de Java Beans en 1997 et celle de Enterprise Java Beans cette année ; l'intégration réussie des middleware RMI (Remote Method Invokation) du monde Java et de IIOP (Internet Inter-ORB Protocol) du Corba sont autant de signes rassurants de la convergence de Java et de Corba dans ce domaine particulier. Il était d'ailleurs temps : le débat technique avait éclipsé les questions plus économiques des bénéfices effectifs des systèmes d'objets.

Car ces objets techniques omniprésents, dans les langages de programmation, maintenant dans les systèmes d'objets distribués, ont-ils tenu aujourd'hui la promesse originelle sur laquelle se fonde ce courant technique et méthodologique : la réduction des coûts de développement et de maintenance des applications d'entreprise ? Certes leur usage s'est banalisé en quelques années et Java Beans, COM/DCOM/ActiveX et Corba sont maintenant mis en œuvre avec d'autant moins d'appréhension que leur support s'est consolidé dans l'industrie. Mais pour autant cela signifie-t-il que le retour sur investissement quantifiable est au rendez-vous ?

Les objets métier représentent aujourd'hui la nouvelle frontière, la forme la plus élaborée du mythe de la réutilisation, et probablement le nouveau champ de bataille sur lequel les ambitions commerciales et techniques des grands acteurs de l'industrie sont amenées à se confronter. Que l'on écoute le discours des grands éditeurs de progiciels comme SAP, Baan, Peoplesoft ou Scopus, par exemple, ou encore que l'on assiste à l'émergence d'architectures de serveurs applicatifs en Java (Netdynamics acquis par Sun, Kiva par Netscape, ou encore Weblogic par exemple) l'on ne manqué d'être frappé par la similarité de l'approche par composants logiciels - objets d'un grain plus épais que les objets Corba, ActiveX ou Beans, mais surtout spécialisés dans un domaine, dans une industrie ou pour une tâche particulière. Comme les widgets pour une interface graphique, les objets métier sont les briques applicatives de base pour l'assemblage d'applications qui touche à un métier ou à un processus de l'entreprise. Autant les premières s'adressent aux programmeurs, autant les objets métier s'adressent aux analystes, aux utilisateurs avancés et aux éditeurs de logiciels ou de progiciels, d'une manière plus générale aux agents de l'entreprise plutôt qu'uniquement aux informaticiens.

Parce qu'aujourd'hui le consensus s'établit entre les champions des camps Java Beans, Corba et ActiveX - un domaine de plus où la Realpolitik finit par l'emporter devant le bouleversement induit par Internet - il devient important d'utiliser ces fondations solidifiées, de grimper un échelon supplémentaire dans l'abstraction et penser objets métier. Les bénéfices économiques seront récoltés à cette échelle. Le succès des design patterns comme bibliothèques de briques d'analyse et de conception réutilisables, l'investissement considérable d'IBM sur le projet San Francisco qui regroupe plus de cinquante éditeurs majeurs autour de la construction, en Java, de bibliothèques de composants métier réutilisables, ou encore, à titre plus anecdotique et hexagonal, le récent rachat de Lyon Consultants - qui s'est tôt spécialisée dans les objets métier pour l'assurance et la banque - par l'américain IMR montrent que les enjeux sont là aussi considérables. Alors, vingt fois sur le métier remettez votre objet…


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